Revue de littérature janvier 2025
- Julien Craeye
- 8 févr.
- 9 min de lecture

Comme chaque mois, voici un condensé des études relatives à la course à pied et au trail publiées durant ce mois. Ces résumés sont bruts. Même si je réalise une petite analyse des résultats et même si un premier filtre est effectué quant à la qualité des publications résumées, il est nécessaire de garder un recul critique sur l'ensemble des résultats. Certaines études récentes présentées ici pourront notamment servir d'appui à de futures méta-analyses qui élargiront les résultats à des échantillons plus larges
La carence en fer touche jusqu'à 60 % des athlètes féminines, ce qui peut nuire à leurs performances sportives. Dans cette étude, les auteurs visaient à "étudier comment la carence en fer influence la performance des athlètes féminines de haut niveau et les avantages de la supplémentation en fer pour aider à optimiser les résultats d'entraînement et de compétition des athlètes".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
669 athlètes féminines carencées en fer âgées de 13 à 47 ans, issues de 16 sports, ont été incluses, avec un VO2 Max >45mL/kg/min ou un entraînement >5h/semaine.
Les athlètes ont reçu 16-100mg/jour de fer élémentaire pendant 36-126 jours ou 100mg deux fois par jour sur 8-10 jours.
L'endurance a diminué de 3%-4% chez les athlètes carencées en fer mais s'est améliorée de 2%-20% avec la supplémentation. La capacité aérobie maximale a augmenté de 6%-15%.
Les niveaux de ferritine sérique (<40µg/L), les mesures d'endurance, la capacité aérobie maximale et la puissance anaérobie ont été évalués.
Les changements de puissance anaérobie variaient de –5% à +9%, et la force isocinétique montrait une variabilité (–23% à +4%). Les petites études (<20 participantes) limitaient la puissance statistique.
APPLICATION PRATIQUE
Les résultats de cette étude ont montré que la supplémentation en fer améliore l'endurance et la capacité aérobie chez les athlètes féminines carencées en fer. Ma recommandation pour les athlètes (et les athlètes féminines en particulier) est de faire une analyse de sang annuelle pour vérifier leurs niveaux de fer. Elles peuvent ensuite suivre les conseils de leur médecin si une intervention est nécessaire. Attention toutefois à ne pas prendre de compléments sans un avis médical !
L'avènement des chaussures de course à plaque de carbone a révolutionné la course sur route, mais leur efficacité sur les sentiers reste incertaine. Dans cette étude, les auteurs visaient à "évaluer l'impact d'une rigidité longitudinale en flexion (LBS) accrue dans les chaussures de trail à plaque de carbone sur la course en montée pour voir si elles offrent des avantages physiologiques ou biomécaniques dans des conditions de trail technique".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
10 coureurs de trail amateurs ont participé à l'étude, testant des chaussures avec et sans plaques de carbone.
Les conditions de course comprenaient des évaluations sur tapis roulant à des vitesses de 11,6±1,2km/h (plat) et 7,8±0,6km/h (montée), avec mesure de la cinématique et de la cinétique 3D sur terrain instable.
La puissance métabolique n'a montré aucune différence sur terrain plat mais a augmenté de 2% pendant la course en montée avec les chaussures à plaque.
La biomécanique articulaire et le retour plantaire ne différaient pas entre les conditions de chaussures.
L'analyse statistique bayésienne n'a révélé aucun avantage biomécanique pour les chaussures à plaque pendant la course technique sur sentier.
APPLICATION PRATIQUE
Cette étude a montré que les chaussures de trail à plaque de carbone pourraient ne pas améliorer les performances en montée ou sur terrain technique en raison d'une augmentation des besoins en puissance métabolique. Les coureurs de trail devraient privilégier des chaussures adaptées au terrain de leur course. Pour les sentiers plus plats et moins techniques, les chaussures à plaque de carbone pourraient encore offrir un avantage. Pour les sentiers plus techniques, il peut être préférable de privilégier des chaussures confortables et légères offrant une traction et une stabilité suffisantes plutôt que des chaussures à plaque de carbone. À noter la faiblesse de l'échantillon pour cette étude !
L'optimisation de la fréquence d'entraînement est essentielle pour les athlètes d'endurance visant à améliorer leurs performances. Bien qu'une fréquence d'entraînement plus élevée soit souvent associée à de plus grands gains de forme physique, la récupération peut être compromise. Dans cette étude, les auteurs ont étudié "si deux séances d'intervalles plus longues par semaine pouvaient surpasser quatre séances plus courtes dans la promotion des adaptations physiologiques et de la performance".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
L'étude impliquait 15 skieurs de fond et biathlètes d'élite (22 ans ; VO2 Max 67,8-70,7mL/kg/min), assignés aléatoirement soit à un groupe de basse fréquence (BF) soit à un groupe de haute fréquence (HF).
Le groupe BF effectuait deux séances d'intervalles plus longues par semaine, tandis que le groupe HF en complétait quatre plus courtes. Toutes les séances étaient conduites à ~85% de la fréquence cardiaque maximale, avec un volume d'entraînement hebdomadaire équivalent.
Les évaluations pré et post-intervention comprenaient un contre-la-montre de 8km en ski à roulettes, un test de VO2 Max et des tests d'exercice sous-maximal.
Seul le groupe BF a montré une amélioration de la performance en contre-la-montre, de l'utilisation du seuil anaérobie et de l'économie d'exercice.
Aucun changement du VO2 Max n'a été observé dans les deux groupes.
APPLICATION PRATIQUE
Les résultats suggèrent que les athlètes d'endurance peuvent bénéficier davantage de séances d'entraînement par intervalles moins fréquentes mais plus longues plutôt que de séances plus fréquentes mais plus courtes. Cette approche favorise les adaptations d'endurance et permet une récupération suffisante, améliorant à la fois la performance et l'efficacité de l'exercice. Une considération importante est que la charge de travail était équivalente pour ces séances, cependant, il pourrait être possible d'atteindre une charge de travail légèrement plus élevée sur des séances plus fréquentes et plus courtes.
L'entraînement "concurrent" combine exercice de force et d'endurance, cependant, certains athlètes s'inquiètent d'une potentielle interférence moléculaire, où l'exercice d'endurance pourrait supprimer les voies de signalisation anabolique, comme mTOR, liées à la croissance musculaire. Dans cette étude, les auteurs ont "exploré si l'intensité de l'exercice d'endurance impacte l'activation des réponses protéiques de signalisation clés à l'entraînement concurrent".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
8 cyclistes masculins ont participé à une étude croisée impliquant trois conditions : exercice de force (RES), RES plus cyclisme d'intensité modérée (RES+MIC), et RES plus cyclisme par intervalles de haute intensité (RES+HIIC).
Le protocole de force comprenait 6×8 squats à 80% 1RM, tandis que les protocoles de cyclisme duraient 40 minutes, avec MIC à 65% VO2 Peak et HIIC alternant entre 85% et 45% VO2 Peak.
Des biopsies musculaires ont été prélevées au repos et trois heures post-RES pour évaluer la phosphorylation des protéines liées aux voies mTOR et AMPK.
L'activation de mTOR était plus importante dans la condition RES+MIC que dans RES, suggérant une signalisation anabolique améliorée.
L'activation d'AMPK était également plus élevée dans RES+MIC comparé à RES et RES+HIIC, indiquant une amélioration de la signalisation d'endurance sans effets d'interférence.
APPLICATION PRATIQUE
Les résultats de cette étude ont montré que l'entraînement de force suivi immédiatement de cyclisme était plus efficace lorsque le cyclisme était effectué à une intensité modérée plutôt qu'élevée. Cependant, les différences étaient relativement faibles, amenant les auteurs à conclure "que les athlètes d'endurance ne doivent pas s'inquiéter de l'intensité de leur séance d'endurance (modérée vs haute intensité) affectant leur adaptation à la force, lorsque les deux modes d'exercice sont effectués à proximité l'un de l'autre." Ma recommandation pour les athlètes qui veulent effectuer des séances "concurrentes" est d'utiliser ces séances lorsqu'ils visent à maintenir leur forme physique ou à ajouter du volume et à maintenir modérés à la fois l'entraînement de force et d'endurance. Pour les séances clés où le progrès dans une adaptation physiologique spécifique est l'objectif, je recommanderais toujours de les faire en séances individuelles plutôt que dans le cadre d'une "séance concurrente", mais cette étude suggère que cela pourrait ne pas être aussi important qu'on le pensait auparavant.
Des recherches antérieures ont montré que le moment de l'apport en glucides post-exercice peut affecter la resynthèse du glycogène musculaire et les performances d'exercice ultérieures. Dans cette étude, les auteurs visaient à "étudier l'impact d'un apport retardé en glucides sur le glycogène musculaire, les réponses moléculaires et la capacité d'exercice par intervalles de haute intensité (HIIE) subséquente".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
9 hommes actifs de loisir ont effectué des séances de cyclisme HIIE à deux occasions, avec soit un apport immédiat soit retardé en glucides post-exercice.
Les participants ont consommé soit des glucides (2,4g/kg) soit de l'eau pendant 0-3 heures post-HIIE, avec un apport total en glucides équivalent sur 24 heures.
Des biopsies ont été analysées pour le glycogène musculaire, le contenu en ARNm et les protéines de signalisation à différents moments jusqu'à 24 heures post-exercice.
Après 24 heures, les participants ont répété le protocole HIIE jusqu'à épuisement, avec mesure du lactate sanguin, de la fréquence cardiaque et de l'effort perçu.
L'apport retardé en glucides a réduit la capacité HIIE du lendemain de 5 intervalles et augmenté l'effort perçu, malgré des niveaux similaires de glycogène musculaire et de réponses moléculaires entre les conditions.
APPLICATION PRATIQUE
Les résultats de cette étude ont montré une diminution des performances à l'entraînement le lendemain après avoir limité la consommation de glucides post-entraînement. Il est intéressant que cette baisse de performance se soit produite même si les niveaux de glycogène musculaire des participants étaient les mêmes qu'avant le premier jour. Pour les athlètes qui s'entraînent régulièrement avec des charges d'entraînement élevées chaque jour, il serait donc utile de s'assurer qu'ils mangent suffisamment de glucides après leurs séances (cette étude a utilisé 2,4g/kg). Il pourrait même y avoir un avantage à alimenter toutes les séances d'entraînement, même les faciles, pour aider à maintenir la qualité de l'entraînement chaque jour.
La plupart des athlètes s'étirent avant l'entraînement, cependant son impact sur l'économie de course (RE) et la performance reste ambigu. Dans cette revue de portée, les auteurs ont cherché à "étudier les effets d'une seule séance d'étirement sur la RE et la performance en course".
DÉTAILS DE LA REVUE
La revue incluait 11 études avec 111 participants adultes en bonne santé, évaluant les effets aigus de l'étirement sur 44 paramètres (14 liés à la performance et 30 métaboliques).
L'étirement statique jusqu'à 90 secondes par groupe musculaire a montré de légères améliorations de la RE (1%) mais a négativement affecté la performance en course (-1,4%).
L'étirement dynamique a entraîné des changements négligeables dans la RE (-0,79%) mais a significativement amélioré la performance en course (9,8%) lorsqu'il était effectué pendant ≤220 secondes au total.
Les effets de l'étirement variaient selon la technique et la durée, les étirements statiques plus courts (<60 secondes) étant moins préjudiciables.
Les coureurs moins flexibles ont plus bénéficié de l'étirement, suggérant que l'optimisation de la flexibilité améliore la RE.
APPLICATION PRATIQUE
Cette revue a montré que l'étirement statique avant la course pourrait avoir un impact négatif sur la performance. Il serait donc utile d'utiliser l'étirement dynamique pour de courtes durées (≤220") avant la course, et d'utiliser l'étirement statique pour après l'entraînement ou dans le cadre d'une routine de mobilité. Tout étirement statique devrait être bref (<60" par groupe musculaire) pour éviter les effets négatifs sur la performance en course.
La course et le cyclisme semblent souvent différents dans leur exigence et, en pratique, les cyclistes peuvent faire un volume d'entraînement beaucoup plus important que les coureurs. Dans cette étude, les auteurs visaient à "examiner les différences dans les altérations de la fonction neuromusculaire induites par le cyclisme et la course d'intensité et de durée équivalentes".
DÉTAILS DE L'ÉTUDE
17 participants masculins entraînés en endurance ont effectué des séances de cyclisme et de course de 3 heures à 105% du seuil d'échange gazeux.
Les évaluations neuromusculaires comprenaient des contractions volontaires maximales, l'activation volontaire, des doublets de haute et basse fréquence, des secousses potentialisées et des potentiels évoqués moteurs.
La course et le cyclisme ont réduit la contraction volontaire maximale d'environ 25%.
La course a causé de plus grandes réductions dans l'activation volontaire et les potentiels évoqués moteurs thoraciques comparé au cyclisme.
APPLICATION PRATIQUE
Cette étude a montré que la course peut causer des altérations plus significatives de la fonction du système nerveux, particulièrement au niveau spinal, tandis que le cyclisme peut conduire à de plus grandes altérations de la fonction contractile. De ce fait, pour les coureurs, il pourrait être utile de se concentrer sur l'exécution de leurs séances clés (séances de vitesse, longues courses, simulations de course) en course, puis de considérer comment le reste de leur volume d'entraînement peut être fait de manière moins exigeante. Cela pourrait être courir sur un tapis roulant ou sur des sentiers, ou déplacer une partie du volume vers d'autres sports comme le cyclisme ou le ski de fond.




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